La bataille du Mans

La bataille du Mans, qui fit rage du 9 au 12 janvier 1871, marque la rencontre entre la mémoire de la ville et la naissance douloureuse de la IIIe République. Voici le récit de ces combats dont le 150e anniversaire a été commémoré en janvier 2021.

Commémoration

La bataille du Mans, qui fit rage entre le 9 et le 12 janvier 1871, constitua un traumatisme pour deux générations de Manceaux et de Sarthois. Au-delà d'une date d'histoire locale, 1870-1871 constitue une césure majeure dans l'histoire de la France et de l'Europe. La république s'installe difficilement mais commence son enracinement en France. Le nationalisme produit l'un de ses premiers conflits majeurs divisant les Etats européens.

Après 75 ans de paix entre la France et l'Allemagne, les commémorations du cent-cinquantenaire sont l'occasion d'inviter à la réflexion et au savoir pour éclairer la naissance d'une république dans le contexte de l'éclosion des nationalismes.

Chronologie

Déclaration de guerre le 19 juillet 1870

Tout part d'une crise politique en Espagne. La succession du trône espagnol est proposé à un cousin du roi de Prusse Guillaume Ier. Refusant que la France soit encerclée par des monarchies allemandes, l'empereur Napoléon III voit rouge. Sur un ton belliqueux, le gouvernement français demande le retrait de cette candidature.

Le prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, cousin du roi de Prusse Guillaume Ier qui avait proposé la succession renonce. Mais la France exige une preuve écrite de cette renonciation. Jugeant la question réglée, Guillaume Ier refuse de recevoir l'ambassadeur de France. Bismarck, chancelier de Prusse, qui espère achever l'unification de l'Allemagne, transforme de façon humiliante le récit de cette entrevue manquée.

La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870.

Proclamation de la IIIe République le 4 septembre 1870

L'armée impériale est écrasée à Sedan le 2 septembre, Napoléon III fait prisonnier. Deux jours plus tard, le 4 septembre, la IIIe République est proclamée par Léon Gambetta, entraînant la chute de l'empire. Léon Gambetta est nommé ministre de l'Intérieur de ce premier gouvernement provisoire présidé par le général Trochu, qui refuse de capituler.

À compter du 19 septembre 1870, Paris est assiégé par les Prussiens. Les Prussiens empêchant toute communication terrestre ou fluviale, les Parisiens décident d'emprunter la voie des airs.

La naissance de la poste aérienne est officiellement actée, le 27 septembre 1870 par décret. L'aventure des ballons montés, gonflés au gaz d'éclairage est lancée. Des vols effectués de nuit, à la merci des vents avec aux commandes des pilotes sans expérience. Le prix à payer pour communiquer avec la province.

Entre le 23 septembre 1870 et 28 janvier 1871, 66 vols permettent de faire sortir près de trois millions de lettres, 155 passagers et plus de 300 pigeons voyageurs. Trois vols de ce pont aérien atterrissent en Sarthe.

  1. Le Denis-Papin se pose à La Ferté-Bernard, le 7 décembre 1870 avec 55 kg de courrier, 6 pigeons et 3 passagers.
  2. Le 30 décembre, l'Armée-de-Loire atterrit à Montbizot avec à son bord 230 kg de courrier.
  3. Le tout dernier ballon à quitter Paris, le Général-Cambronne se pose, le 28 janvier 1871, à Sougé-le-Ganelon avec 20 kg de courrier.

Léon Gambetta, lui-même, emprunte cette voie des airs pour quitter Paris le 7 octobre 1870.

Création du camp de Conlie en novembre 1870

Paris étant assiégé, Léon Gambetta, ministre de la Guerre du gouvernement de la Défense nationale décide de mobiliser largement pour préparer la libération de la capitale. Onze camps sont ainsi aménagés dans l'hexagone.

Émile de Kératry, ancien préfet de police de Paris, propose à Gambetta de réunir une armée constituée de soldats des départements bretons. Celui-ci accepte et le nomme général par décret le 22 octobre. Kératry choisit Conlie pour établir un camp de 500 hectares pouvant accueillir 50000 hommes sur la butte de la Jaunelière.

Les premiers hommes arrivent début novembre 1870 et leur nombre augmente rapidement. Construit sur un sol argileux, le camp de Conlie devient rapidement un bourbier inextricable que ses occupants surnommeront "kerfank", la ville de boue. La fièvre typhoïde et la variole font leur apparition. Mi-décembre, la démission d'un médecin militaire, oblige Gambetta à ordonner l'évacuation des bataillons non armés.

Mal équipés, souvent chaussés de sabots, cantonnés dans des tentes prenant l'eau, les mobilisés bretons ne peuvent pas s'entraîner. Les cadres manquent et l'armement promis par le ministre de la Guerre fait défaut.

Cette situation concerne d'ailleurs tous les régiments improvisés au cours de l'automne qui subissent cette pénurie d'armes. Faute de fusils, le maniement des armes s'acquiert avec des manches à balais... Kératry supplie le ministère de la guerre de lui fournir des fusils, notamment 3200 chassepots, fusils modernes se chargeant par la culasse, disponibles dans l'arsenal de guerre.

Malgré les promesses du ministre, rien n'arrive. Gambetta se méfiait-il de cette armée issue de départements Monarchistes ? Si le sujet fait débat au sein du gouvernement, la cause semble due à des problèmes d'intendance plus qu'à une intention politique.

De 9000 à 10000 Bretons vont combattre au Mans. Certains postés au sud, avec des armes défaillantes, près du Tertre rouge, sont surpris par les Prussiens qui dès lors s'emparent de la ville. D'autres participent à la charge héroïque d'Auvours. Deux dépêches annoncent ces faits, mais seule la première est diffusée dans le pays, laissant croire que la défaite est due aux Bretons. Cette mention a longtemps suscité en Bretagne une défiance envers Gambetta et la république. 

Combats au Mans les 11 et 12 janvier 1871

Après la bataille d'Orléans, du 2 au 4 décembre 1870, le général Alfred Chanzy prend le commandement de l'armée de la Loire et regroupe les forces françaises autour du Mans. Il est le personnage central de la bataille du Mans de janvier 1871.

Un tiers de ses 150 000 hommes n'ont alors aucune expérience du front. La bataille du Mans est caractéristique de cette guerre de 1870.

"Les troupes françaises qui combattent au Mans sont disparates et montrent la faiblesse d'unités organisées dans l'urgence et mal formées. L'une des faiblesses de la 2e armée de la Loire est la quasi-absence de cavalerie et une artillerie plus réduite que l'adversaire prussien", explique Stéphane Tisson, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université du Mans. "De plus, l'armée professionnelle a été laminée en deux temps : une partie est détruite avec de nombreux prisonniers par la défaite de Sedan d'une part ; l'autre devient captive après la reddition du maréchal Bazaine à Metz."

Les combats qui débutent le 11 janvier à l'est de la ville, tournent rapidement à l'avantage de Prussiens mieux armés. L'armée allemande s'impose sur le plateau d'Auvours. En fin de journée le général Chanzy est contraint de donner l'ordre d'abandonner la rive de l'Huisne. Son aile gauche se replie au nord jusqu'à Alençon, le centre et l'aile droite prenant position à l'ouest de la Sarthe.

"L'armée allemande est une armée moderne, fondée sur une conscription bien organisée depuis 1861-62. Les conscrits bénéficient d'une solide formation de deux ans, complétée par dix ans d'exercices réguliers. En France, les réformes n'ont pas été menées si loin et la mobilisation des conscrits se fait dans la lenteur. Les hommes arrivent sans formation dans les régiments improvisés pendant l'été 1870."

Le lendemain, 12 janvier 1871, la percée prussienne de la veille est élargie jusqu'au faubourg de Pontlieue et Yvré-l'Évêque est pris. La bataille s'achève par des combats de rue jusque tard dans la nuit dans la ville du Mans. Les affrontements se poursuivent à Pontlieue, dans la grande-rue, actuelle rue Nationale, à la gare. La ville finit par tomber. L'armée de la Loire est défaite.

Près de 29 000 soldats ont été tués, blessés ou faits prisonniers. Le reste de l'armée se replie vers Laval. La perspective de libérer Paris s'éloigne.

Signature de l'armistice le 28 janvier 1871

La bataille du Mans marque la fin de l'espoir de dégager les Parisiens assiégés. Une victoire décisive aurait permis à l'armée française de se lancer enfin vers Paris. La défaite de l'armée du Nord à Saint-Quentin dans l'Aisne, le 19 janvier, confirme l'échec de cette stratégie. Dès lors, les partisans de la paix derrière Jules Favre l'emportent sur Gambetta et vont signer l'armistice le 28 janvier 1871.

La convention d'armistice permet néanmoins au gouvernement de convoquer une Assemblée librement élue, le 8 février 1871, pour savoir si la guerre doit être continuée. La nouvelle assemblée nomme Adolphe Thiers chef de l'exécutif qui ne souhaite pas continuer la guerre. Mais le 28 mars, les Parisiens proclament la Commune de Paris, impitoyablement réprimée.

Perte de l'Alsace et de la Moselle le 10 mai 1871

Le traité de paix est signé à Francfort le 10 mai 1871. La France perd la Moselle et presque toute l'Alsace, à l'exception de Belfort. Ce fut l'une des causes de la Première guerre mondiale.

La IIIe République, malgré de graves crises (l'affaire Dreyfus, la Grande Guerre), s'installa durablement, jusqu'en 1940.

Ressources

La Vie mancelle et sarthoise

L'équipe de La Vie mancelle et sarthoise a consacré son numéro de décembre 2020 à la guerre franco-prusse. Un travail riche et imagé qui représente un an de travail à travers des recherches aux Archives départementales et municipales et à la médiathèque. La revue est à découvrir en ligne.

Monuments et tombeaux des soldats

Josiane Poupon, déléguée générale du Souvenir Français de la Sarthe et présidente du comité de Pontvallain et Pierre Didelot, président du comité d'Yvré-l'Évêque, publient un livre qui recense les monuments et tombeaux des soldats français et allemands en Sarthe associés à la guerre franco-prussienne de 1870-1871. "Nous avons trouvé une soixantaine de monuments. Il y en avait certainement plus mais ils ont dû disparaitre avec le temps. Nous avons pris de nombreuses photos et notre livre est très imagé", souligne Josiane Poupon.

L'ouvrage est en vente au prix de 10 €. Vous pouvez le commander par courrier électronique ou au 07 71 15 78 20.

Conférences

Un ensemble d'événements s'est tenu en janvier 2021, à l'occasion du 150e anniversaire des combats, sous la houlette de Stéphane Tison, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université du Mans, commissaire scientifique des commémorations. Notamment des conférences, que vous pouvez revoir ci-dessous.

Vers la guerre de masse, l'exemple de la bataille du Mans

Du Second Empire à la IIIe République, nouveaux regards sur un tournant historique

Aux marges de l'invasion : l'Ouest dans la guerre de 1870-1871 (1/2)

Aux marges de l'invasion : l'Ouest dans la guerre de 1870-1871 (2/2)